Le faux prince de Rastenberg

Fin des années 70

L’affaire :

Son Altesse Royale le Prince de Rastenberg, alias Patrick Bouix, a défrayé la chronique à la fin des années 1970.

Patrick Bouix, né à la prison de Fresnes où sa mère était incarcérée pour des faits criminels : « Celle-ci volait des objets de valeur (bijoux, tableaux ou autres) chez d’éphémères employeurs biens sélectionnés », ce qui constituait à l’époque… un crime.

Etant enceinte, elle avait accouchée dans l’établissement pénitentiaire et avait pu garder pendant quelques mois son enfant.

Celui-ci avait ensuite été élevé par ces grands-parents maternels dans un petit village de l’Oise où très tôt il avait été méchamment persécuté comme « le fils de la voleuse » « de la pute » et par tant d’autres vilenies dont sont capables les petites gens…

Malgré son très jeune âge, (14 ans), pour se soustraire aux maltraitances qu’il endurait continuellement, il s’enfuit en direction du sud de la France dans l’espoir de trouver du travail. Affamé et sans argent, il se risquera à demander une aide alimentaire à un ecclésiastique qui s’intéressera à lui mais, d’un peu trop prêt et pas seulement pour la bonne cause. Un brave prêtre qui n’hésitera pas, à le recommander chaudement à des confrères qui eux aussi, en échange de certains services intimes se feront « bienveillants »…

Comment pourrait-on qualifier cette conduite aujourd’hui ? A l’époque les autorités cherchaient à protéger la respectable institution qui ne pouvait, dans leurs esprits, être coupables de tels méfaits. A ce moment là, on était très loin d’appeler cette dérive, un crime !

Pour Bouix, il en sortira une aversion sans borne des soutanes, une volonté profonde, de se venger de ceux qui avaient profité de lui jusqu’à ses 18 ans. A cette époque il ne pouvait que ronger son frein même si parfois des bouffées meurtrières lui montaient à la tête.
Puisque personne ne pouvait lui porter secours ni croire ce gamin de la rue, un sans foi ni loi…

La vengeance se préparait dans son esprit : comment les posséder à tour comme eux ont voulu le posséder ?

A l’image d’un julien Sorel il va étudier et préparer son personnage dans la noblesse de l’art. Il sera Prince puisque l’égo des prêtres tourbillonnait vers le paraître et les révérences.

Pendant cette préparation psychologique, Patrick élèvera sa culture et un réel savoir vivre qui le préparera à devenir un « Prince » plus que crédible.

Il va être à l’origine d’une escroquerie effrontée qu’il exportera partout dans le monde sur un demi-siècle.

Le postulat en était très simple : Il avait fait établir un faux numéro du magazine « Valeurs actuelles » dans lequel figurait une photographie de lui-même en tenu d’apparat, un montage où on le voyait recevoir l’accolade du Pape Paul VI et serrant la main d’un Président de la République de l’époque.

Il va ensuite se rendre chez des curés, évêques, moines, en expliquant chaque fois la même histoire :

« Je suis le Prince de Rastenberg, cousin de la Reine de Danemark. Je suis homosexuel et cette nuit j’ai eu une aventure avec un très jeune garçon qui m’a pris mes papiers et tous mes moyens de paiement. Or je suis attendu demain pour une importante visite au plus niveau (le lieu et l’autorité variaient selon l’interlocuteur, à savoir le Président américain, la Reine d’Angleterre, l’Empereur Hiro Hito,) mais je ne suis plus en mesure d’effectuer ce voyage compte tenu de la situation et je viens vous demander de me venir en aide pour localiser ce sale gosse qui m’a dit, au court de sa conversation, habiter près de votre église. »

Naturellement l’ecclésiastique tentait d’aider ce si beau et influent personnage en déroute, s’étonnant quand même qu’il ne veuille pas prendre contact avec son Ambassade (cela s’avérait impossible à cause du scandale qui risquait d’en découler. Un Prince pédophile… qui d’autre mieux qu’eux pouvaient analyser et comprendre la situation ???). Dans la quasi-totalité des cas, il s’avérait que si effectivement il pouvait se retrouver à son point de chute prévu, tout rentrerait dans l’ordre.

Seul restait à résoudre le problème du règlement de l’hôtel et du billet d’avion pour lui et pour son secrétaire. Dans tous les cas, l’ecclésiastique proposait de lui avancer les sommes dons il avait besoin. Des sommes parfois conséquentes.

Par le biais de cette seule histoire et une force de conviction au dessus de la moyenne, Le « Prince » a réussi à convaincre des milliers d’ecclésiastiques dans le monde entier, en Amérique du sud, en Amérique
du Nord, en Afrique, en Asie et même jusqu’au Vatican.

Le Parquet de Paris s’étant saisi des plaintes émanant de très nombreux pays dans le monde, a émis un mandat d’arrêt international. Mais c’est finalement, après un discret arrangement que Patrick Bouix s’est rendu.

Jugé par le Tribunal Correctionnel de Paris évidemment à Huit-Clos, aucune partie civile ne se manifestera… il a été condamné à une simple peine de 3 ans d’emprisonnement. Une simple peine rapidement aménagée…